Succession de crises ou changement d'ère
- Yves Massot
- 20 nov. 2024
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 déc. 2024
Fait le 20 novembre 2024 et modifié le 21 décembre 2024 - par Yves MASSOT

Beaucoup de journalistes, de spécialistes ou de personnalités commentent sans cesse sur les diverses crises politiques, économiques, sociales et environnementales auxquelles nous faisons face. Les qualificatifs, les superlatifs et les critiques abondent. À cet exercice, certains experts zélés se sont fourvoyés, comme Jacques Attali, surnommé « le marabout de Tonton ».
Nous sommes entrés résolument, depuis quelques années, dans une profonde transformation. Décortiquer chaque aspect, raison et résultat serait audacieux. Néanmoins, un ensemble d’événements significatifs mettent en évidence un tournant dans nos habitudes de vie. De plus, l’histoire, les saisons et l’humanité nous rappellent que tout évolue constamment. Toutefois, lorsque les mutations deviennent extrêmes et provoquent des perturbations majeures et accélérées, on parle plutôt de révolution. À ce propos, j’ai remarqué :
L’instabilité géopolitique, les conflits, l'antisémitisme ;
La vulnérabilité due à la pandémie ;
Les différents courants de pensée toxiques ;
Le pouvoir des réseaux sociaux ;
Le réchauffement, le dérèglement et l'exode climatique ;
L’augmentation et le vieillissement de la population ;
L’épuisement de nos ressources et l’économie circulaire ;
Les pollutions galopantes ;
Les progrès de la recherche et les innovations ;
L’accroissement de la pauvreté ;
La société de consommation ;
etc.
Entre 1960 et 2024, la population de notre planète est passée de 3 à 8,2 milliards d'habitants. Claude LÉVI-STRAUSS [1] a dit à propos de cette évolution :
« Nous vivons dans un monde qui ne me ressemble plus. Celui que j’ai connu, que j’ai aimé, en comportait 1,5 milliard. Aujourd'hui, nous sommes 6 milliards d’individus ; ce n’est plus le mien. »
Cette expansion démographique est notre talon d’Achille en ce début de 21e siècle. Le 3 mai 2011, l’ONU publie un rapport indiquant que l’humanité pourrait dénombrer 9,3 milliards de personnes en 2050, et 10 milliards d’ici 2030. Pour rappel, l’Inde est désormais le pays le plus peuplé, avec 1,4 milliard d’habitants. Paradoxalement, d’autres nations voient leur taux de natalité fortement baisser, comme la Lettonie, la Lituanie et la Pologne.

L’UNPFA [2] déclare en 2009 : « L’effort à long terme, indispensable pour conserver un bien-être collectif, pour être en équilibre avec l’atmosphère et le climat, exigera, en fin de compte, des modes de consommation et de production viables. Nous les atteindrons et les maintiendrons que si la population mondiale ne dépasse pas un chiffre écologiquement compatible. »
Les conclusions du GIEC [3] sont alarmantes. Il est impératif d’appliquer le principe de précaution et prendre des mesures appropriées. Le Protocole de Kyoto a mis en évidence les enjeux et a proposé les actions nécessaires. Malheureusement, les décisions et les promesses du Sommet de Copenhague, ainsi que celles des réunions ultérieures du G8 et du G20, laissent à désirer. Contrairement à la COP 20, la COP 21 a connu un franc succès, avec la signature de l’accord de Paris sur le climat par 175 pays, visant à limiter l’augmentation de la température planétaire à 1,5 degré. Le WWF [4] s’est réjoui sur son site web : « La transition énergétique mondiale est en marche ». L’ère du charbon est révolue, et l’extraction du pétrole deviendra bientôt un souvenir du passé. Pendant que Laurent Fabius archivait ce dossier, Donald Trump reniait l’engagement des USA afin de sanctuariser l’économie des USA et téléguidait Boris Johnson pour achever le Brexit.
Je n’avais pas bien compris pourquoi, le 9 septembre 1965, le général de Gaulle avait ordonné le retrait de la France de l’OTAN, et invité les Américains à rentrer chez eux. Rien n’a changé, car l’hégémonie de la puissance outre-Atlantique persiste. La récente réélection de Donald TRUMP n'est pas une bonne nouvelle.
Les quantités de pétrole et de gaz naturel encore disponibles ont été évaluées, et un retour en arrière a été établi. La course a commencé, mais certains États ont déjà abandonné. Pour éviter le chaos, il faudra procéder à une diversification équilibrée dans l’utilisation des ressources et mettre en place un plan d’économie draconien. À titre d’exemple, l’électricité représente aujourd’hui 57 % des dépenses énergétiques des ménages (hors carburants), contre 24 % au début des années 60.

Depuis fort longtemps, les recherches fondamentales et appliquées ne cohabitaient pas, bien au contraire, elles se concurrençaient. Grâce au milieu médical, les pratiques ont évolué. Maintenant, les nations et les continents travaillent ensemble pour combattre les maladies rares, certains types de cancer, ainsi que les pandémies. La mise au point du vaccin contre la COVID a fait l’objet d’une course contre la montre par les laboratoires afin d’endiguer l’épidémie, mais aussi pour remporter le marché du siècle.
La RATP a automatisé les lignes 1 et 4 du métro, ce qui est remarquable. Souvenons-nous de la voiture autonome de Google, du robot qui accomplit des tâches sans programmation, de l’exosquelette, et, plus récemment, de la biogénétique. À chacun de ces exemples, nous oscillons entre émerveillement et stupeur. Ne perdons pas de vue, comme le souligne Marc GIGET [5] que l’innovation est l’œuvre de l’homme, et doit rester à son avantage. »
L’intelligence artificielle va profondément transformer notre quotidien, et nous ne sommes qu’au début de cette technologie. Est-ce une opportunité ou une menace pour notre liberté, notre intégrité et notre avenir ? Je reviendrai sur ce sujet passionnant.
Selon l’OCDE [6], l’innovation peut être divisée en quatre domaines :
Améliorer l’utilisation d’un bien en y intégrant une fonctionnalité, un service ou un composant ;
Mettre en œuvre une méthode de fabrication novatrice ou de distribution originale implique des changements significatifs dans la chaîne de valeur ;
Appliquer d’autres pratiques de commercialisation, telles que des modifications pertinentes dans la conception, le conditionnement, le placement, la promotion ou la tarification de la marchandise ;
Adopter d’une organisation du lieu ou du poste de travail pour un accroissement de la productivité.
La troisième édition de ce manuel a réalisé de sérieux progrès depuis la parution du premier ouvrage. Elle étudie l’impact économique, prend en compte l’expérience acquise et établit les liens entre les différents types d’innovations à savoir :
Incrémentale : de caractère moindre, elle participe à une évolution progressive du bien ou du service, mais peu observable et quantifiable ;
Disruptive : elle concrétise une scission totale et irréversible dans les processus et la chaîne de valeur ; le bon exemple est l’iPhone ;
Fonctionnelle : elle introduit d’autres activités dans la société, comme la RSE ;
Productive : elle standardise les méthodes, et les procédures, pour accéder à une meilleure maîtrise des coûts.
Les révolutions technologiques déstabilisent et les risques sont majeurs. Aujourd’hui, les TIC ont déstructuré nos pratiques, et demain nous aurons à rencontrer les NBIC (Nanotechnologie, Biotechnologie, Intelligence artificielle [7] , sciences Cognitives).
L’innovation doit prendre place dans la politique de l’entreprise. Tous les salariés sont concernés par cette thématique et son fondement repose sur l’imagination créative, le management des idées, la culture générale et la dynamique de groupe.
La clé du succès réside à identifier préalablement, ce qui est bon pour le consommateur, ce qui est concevable par la technologie, et ce qui est viable avec le marché.
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L’économie de service consiste à instaurer de la valeur ajoutée aux produits par des prestations complémentaires. Ce concept n’épargne aucune activité et se développe considérablement. Voici trois exemples pour illustrer cette évolution :
La société Rank Xerox a stoppé la commercialisation de ses machines et a proposé des contrats de photocopies. La facturation client s’établit sur un barème proportionnel au nombre de tirages effectués. La connexion aux ordinateurs a augmenté énormément la consommation.
Michelin : la firme clermontoise offre aux compagnies aériennes la vente de pneumatiques à l’unité ou à l’atterrissage, en y intégrant le service et le rechapage.
Marché de l’automobile : La location longue durée des voitures représente 60 % des immatriculations de véhicules neufs. La prestation comprend la gestion du crédit, l’entretien, l’assurance, la restitution du bien en fin de contrat ou une option d’achat.
L'imprimerie et les travaux de l’édition ont rencontré de dramatiques difficultés. Entre 2004 et 2014, le volume d’activité a baissé de 30 %. La liquidation judiciaire du groupe Lasky [8] de Tours (Mame) date du 15 avril 2010. Cet évènement a suscité de l’émoi chez la population tourangelle. Le secteur le plus touché a été celui des TPE [9]. La crise sanitaire a encore aggravé la situation. En 2020, 77 entreprises françaises de cette industrie ont fait face à des difficultés. En échange, grâce à l’informatique et aux télécommunications, la productivité a connu une hausse significative dans plusieurs pays depuis 1995 (États-Unis, Allemagne, Australie, Canada, Corée du Sud, Finlande, France, Japon, Pays-Bas et Suisse). En outre, les spécialistes affirment que les activités numériques vont révolutionner l’enseignement. Le confinement a mis à l’épreuve le corps enseignant du primaire, du secondaire, ainsi que les élèves et les étudiants. La dématérialisation a évité le pire, selon moi.
Les responsables politiques de l’Union européenne ont consenti à moderniser en profondeur la gestion des pays membres, afin de maintenir notre concurrentialité vis-à-vis des États-Unis, et d’autres grands acteurs. Au mois de mars 2000 à Lisbonne, le Conseil européen a fixé un objectif ambitieux : « L’économie de la connaissance doit être la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une meilleure cohésion sociale ».
L’innovation, les TIC et l’intelligence artificielle constituent les trois fondements de l’entrepreneuriat moderne. La gestion et la configuration de l’information sont nécessaires pour la rendre pertinente, accessible et lisible. Les outils, comme l’intranet, la plateforme collaborative, le site Web, le blog, le cloud, et la data-base, doivent être bien structurés afin d’atteindre une forte attractivité. Fini le temps où le petit chef organisait sa coutumière rétention des communiqués de direction et autres notes de service pour mieux exercer son pouvoir. Le cyberespace ouvre une fenêtre sur le monde, un pourvoyeur de la connaissance, un lieu d’échanges, une base de données, une mémoire collective et un antidote à l’exclusion. Complétez votre savoir, voyagez, prenez le large et surfez.
La société de consommation est, elle aussi, en mutation. Les différentes lois sur le consumérisme et les associations ont contribué à cet essor. Les enseignes de la grande distribution perdent leurs repères, et les rentabilités s’amenuisent. Le besoin légitime de nos concitoyens d’améliorer leur condition de vie devient « écoresponsable » et « consom’acteur ».
« Information, traçabilité, origine, bilan carbone, proximité, choix, SAV, label, disponibilité, notation, classification, qualité, composition, date de péremption. »
Tels sont les mots clés du consommateur de demain. Le e-commerce est en développement exponentiel. La FEVAD [10] évalue son chiffre d’affaires à 147 Mrs d’euros pour l’année 2022, soit une progression constante depuis 2005. Les sites de comparaison de prix se multiplient. Là encore, les pratiques et les usages sont en plein bouleversement. Inventons le commerce du futur avant, pendant, et après la vente. Le concept multicanal permet d’acquérir le meilleur taux de conversion [11]. 39 millions de Français achètent en ligne, soit 9 internautes sur 10.

L’épidémie du coronavirus a renforcé le e-commerce avec le click and collect [12], le drive et la livraison à domicile. Le télétravail s’est imposé comme la planche de salut d’une partie du secteur tertiaire. Le ministre de l’Économie, Bruno LEMAIRE, a donné la tonalité des décisions stratégiques à prendre en déclarant : l’entreprise sécable [13] ne sera plus de mise.
Sur le plan social et sociétal, l’espérance de vie continue sa progression. En France nous pourrions passer, d’ici à 2050, de 8500 à 120 000 centenaires. Nous nous dirigeons rapidement vers des fratries à quatre générations. Par ailleurs, le divorce augmente et touche 44,7 % des mariages en 2009, selon l’institut national démographique. Le nombre de familles recomposées croît et, par voie de conséquence, toutes ces évolutions ne sont pas sans poser de complication à moyen et long terme. L'inscription du mariage pour tous dans la constitution est un marqueur symbolique important de l'évolution de notre société.
Nous sommes passés du village gaulois à la mondialisation. Arnaud Montebourg, le chantre du slogan « made in France » devenu depuis lors un dompteur d’abeilles, est le seul à prôner un repli stratégique sur l’hexagone. Certes, l’ouverture du marché à l’international présente de sérieux inconvénients, mais augure de belles perspectives pour les entreprises et le consommateur. Elle ne se limite pas à l’économie, mais s’étend à la culture, l’information, la communication, l’environnement, l’énergie, au tourisme, etc. C’est l’espace de notre humanité !
En conclusion, désormais, rien ne sera plus comme avant. Ne nous lamentons pas sur les effets nocifs des crises successives. Nous devons concevoir ensemble notre avenir. Les Français désirent une amélioration conséquente du progrès social, du pouvoir d’achat, de l’employabilité, une éradication de l’inflation et une réduction des inégalités, mais rares sont ceux qui acceptent le changement. L’élection de politiques capables de relever ce défi, de donner du sens et de la cohérence à leurs programmes nous permettra de participer activement à construire notre futur dans un climat de fraternité et de paix.
[1] Claude Lévi-Strauss, (1908-2009), est un anthropologue et ethnologue français qui a exercé une influence majeure à l'échelle internationale sur les sciences humaines et sociales dans la seconde moitié du XXᵉ siècle. (Source Wikipédia)
[2] UNFPA = Fonds des Nations Unies pour la population. Le siège est à New York.
[3] GEIC = Groupe d’Experts Inter gouvernemental sur l’évolution du Climat
[4] WWF World Wildlife Fund est une ONG internationale créée en 1961 vouée à la protection environnementale et au développement durable. (Wikipédia)
[5] Marc Giget est un entrepreneur français, professeur, expert en prospective et innovation. Il est membre de l’Académie des Technologies (Wikipédia)
[6] OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Économique : elle œuvre pour la mise en place de politiques pour une vie meilleure.
[7] Appelée aussi l’Intelligence économique
[8] Le groupe Laski : Le tribunal de commerce de Tours a prononcé la liquidation les deux principales activités du groupe Laski le 29 juin 2011. L'imprimeur Mame, connu pour être l'un des premiers imprimeurs de Balzac et de la Bible, disparaît ainsi que sa filiale, l'imprimerie Gibert Clarey, spécialisée dans les manuels scolaires. L'arrêt de l'activité rotatives du groupe Laski entraîne la suppression de 255 emplois sur 340. (Article de Stéphane Frachet du journal les Échos du 40 juillet 2011).
[9] TPE = Toutes petites entreprises – moins de 11 salariés
[10] FEVAD = Fédération du e-commerce et de la vente à distance
[11] Le taux de conversion consiste à mesurer le nombre de visiteurs de vente en ligne converti en acheteur.
[12] Click and collect = Le client commande sur Internet et va récupérer son produit dans le point de vente physique.
[13] Entreprise sécable : les services supports demeurent dans l’Hexagone, et la production est externalisée dans un pays à bas coût de main-d’œuvre !
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